ITyPA, un Mooc vu dans les coulisses

ou comment s'est monté ce Mooc


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L’arbre du Mooc

Encore un sujet classique en formation, qui revient avec de nouveaux visages à travers le Mooc : les pré-requis.

Lorsqu’on suit un cours de type Mooc sur l’utilisation d’Internet pour apprendre, quels peuvent être les pré-requis ?

– Utiliser Internet. Mais comment ? A quel niveau ? Comment se déterminent les niveaux, d’ailleurs ? Parle t-on uniquement d’utilisation de ce qui existe déjà, ou de production de contenus ? Ou même de création d’applications en ligne ?

– Avoir envie de prendre en main sa propre formation. Avoir déjà eu le sentiment « d’apprendre quelque chose » avec les outils et ressources numériques. Se diriger naturellement vers les ressources en ligne lorsqu’on cherche à développer un savoir ou un savoir-faire. Avoir déjà rencontré ses limites, se dire qu’on n’est pas absolument efficace, qu’il est certainement possible de mieux faire, plus vite, avec moins de bruit et de déchet.

– Avoir envie de parler de tout ça. Etre persuadé, parce qu’on l’a déjà expérimenté, que l’on n’apprend jamais seul, et qu’on est inscrit dans une longue chaîne ininterrompue de personnes qui depuis la nuit des temps ont estimé nécessaire de conserver ce que d’autres avaient produit, de l’utiliser d’une manière ou d’une autre, afin de produire à son tour.

Ces pré-requis sont-ils suffisamment clairs, sur le site d’ITYPA ? Nombre des inscrits à ce Mooc les possèdent, et le prouvent. Ils produisent, posent des questions pertinentes, apportent des réponses aux questions des autres.

Mais peut-être pas tous.

Il y a encore beaucoup de participants silencieux. Sur le forum, certains demandent avec insistance « où est le cours ». Et à mon avis, ils ne cherchent pas l’URL de la page, mais plutôt des contenus structurés en vue d’assimilation. Dans son commentaire à mon billet précédent sur ce blog, Bruno Parmentier dit :  » je reste sceptique sur la possibilité pour des participants lambda de profiter de la démarche, du moins sans quelques prérequis, pas forcément inexistants dans le  » grand public » d’ailleurs (utilisation de Twitter, de forums…) ; mais je ne demande qu’à être convaincu par l’expérience en cours ». Il dit aussi qu’il a l’habitude de « sécuriser les apprenants » en formation à distance. j’ai cette même habitude, partageant avec Bruno le constat que « l’insécurité initiale est facteur d’abandon ». Et je ne me contenterai pas de dire que dans ce Mooc, on se moque bien du taux de persévérance, dans la mesure où il n’y a pas d’enjeux en termes de certification ou de diplôme, et que le cours est en accès libre et gratuit.

En fait, je me sens responsable, d’une certaine manière, de la persévérance des inscrits. Mais pas au sens où je serais tentée de tenir la main à des centaines de personnes, d’être jour et nuit devant mon écran et sur Skype pour assister ceux qui peinent à trouver leur chemin dans ce Mooc. Je me sens responsable de tous, comme pouvant contribuer, à l’égal de tous les participants, à stimuler l’envie de continuer, même si on ne comprend pas encore grand chose de ce qui se passe.

Ceci est une responsabilité partagée : il faut veiller à ne pas entretenir l’entre-soi de ceux qui savent, qui sont à l’aise avec les outils et ressources en ligne, qui viennent moins pour apprendre que pour partager une expérience originale et un bon moment avec des amis. Cet entre-soi est une calamité que l’on retrouve dans bien des milieux de « spécialistes », et notamment chez les férus des TIC pour l’enseignement : on va tous aux mêmes colloques, on se tape la bise et on continue à discuter sur Twitter, on se congratule en permanence, on se plaint en choeur de la lenteur « des collègues », « du système », ou de n’importe quoi d’autre à embrasser les outils numériques. On nage dans le même bocal, et on y est si bien qu’on oublie qu’il y a un bocal.

Alors, j’espère ardemment que le Mooc ITYPA ne soit pas un bocal à la paroi de verre quasi-invisible mais diablement résistante. Je préfère voir le Mooc comme un arbre : nous commençons tous au pied de l’arbre, et certains ont déjà trouvé les bonnes branches pour grimper. D’autres auraient besoin qu’on leur fasse la courte-échelle, ou même simplement qu »on les encourage, de manière à ce qu’ils se lancent. Attraper la première branche, c’est peut-être le plus difficile. Oser. Ne pas se passer le film de la chute dans sa tête. Avoir confiance en soi et ne pas se laisser intimider par ceux qui sont déjà en haut et qui s’extasient sur le panorama inouï qui se découvre à eux, alors qu’on n’a pas encore quitté le sol et qu’on ne voit rien du tout.

Alors, la  question, c’est : comment donner confiance et envie de grimper ?

Photo : David Lukacs, Flickr, Licence CC